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Montage son

Cet article traite des sons montés en post-production et ne prétend pas délivrer une méthode de travail, mais un résumé de la fabrication du son d’un film afin d’améliorer la cohésion entre tous les métiers de l’image. L’ensemble des démonstrations vidéo sont issu de la série Sang pour sang réalisé par

Les thermes et dénominations des sons ne sont pas strictement conventionnels, mais permettent ici de déterminer des catégories sonores afin d’expliquer au mieux les différentes approches du montage son.

Le Direct

Foleys

Hard-FX

Ambiance

Sound-design

C’est quoi le montage son ?

Comme son nom l’indique, c’est monter des sons.

Oui mais encore ?

Le montage son consiste à recréer les bruits de tout ce que l’on voit à l’image. Les pas, les claquements de porte, les voitures, les coups de feu. Tous ses sons qui semblent avoir été captés au même moment que les voix sont en réalité refabriqués en studio.

Il ne faut pas confondre montage son et mixage. Les sons exposés dans cet article, bien qu’ils soient justes et réalistes, pourront parfois sonner « faux ». Le mixage permettra de les intégrer parfaitement dans l’image.

A quoi ça sert ?

Dans la grande majorité des scènes, les seuls sons issus du tournage sont les dialogues, car la réalité sonore, n’est pas très jolie pour le cinéma. Le monteur son donne du pois aux objets et de la crédibilité aux images, en empilant des bruits d’impacts, des mouvements ou des frottements de différentes matières correspondant aux images.

C’est une étape très créative dans laquelle on peut transformer complètement l’efficacité d’une scène. On peut répartir ces sons en 4 grands groupes : les Foleys, les Hard-FX, les Ambiances et le Sound-Design.

1. Le Direct :

Avant de parler des sons ajoutés, parlons des sons de plateaux. Les sons du Direct désignent les sons captés le jour du tournage (voir montage dialogue). Dans cette étape, quand on parle des directs, on parle des PFX (production effects), c’est-à-dire de tous les sons de tournage qui ne sont pas des dialogues : les bruitages (portes, vêtements et objets divers) ou les ambiances (rue passante, jardin public, silence d’une pièce). Ces bruits ont un microphone qui leur a été dédié, car une la « repisse » dans la perche et les HFs des acteurs est rarement exploitable.

Les enregistrements de ces bruitages peuvent être réalisé, soit parce que la scène ne comporte pas de dialogues utiles, soit parce qu’un temps, et donc un budget, est prévu pour eux hors caméra.

Car réaliser ou non ces captations, c’est avant tout un choix économique : est-il moins cher d’enregistrer les bruitages le jour du tournage ou de les refaire en post-production par un bruiteur et un monteur son ? Le budget d’un film détermine sa conception.

L’équipe son choisi alors un microphone adapté aux bruitages à capter puis le monteur son sélectionne les meilleures prises, les découpes et les nettoient pour que les sons soient prêts à être mixés.

Remarque : Capter avec clarté et précision les dialogues et les bruits en même temps n’est pas évident. Alors dans la majorité des cas, pendant les prises, les preneurs de sons se concentrent essentiellement sur les voix. C’est en post-production que le monteur son refabrique tous les sons qui ont été volontairement évités au tournage. Cela permet aussi de contrôler les volumes et les effets des bruits et des dialogues indépendamment. Plus tard, le mixeur pourra précisément composer l’énergie sonore du film, car chaque piste détiendra son son.

NOTE : Les documentaires ou les reportages ne justifient pas toujours l’utilité de bruiter en post-production le son des chaussures, des portes, ou des voitures qui passent. La captation du tournage est bien souvent suffisante pour que l’on comprenne ce que l’on entend. La création sonore est plutôt réservée à la fiction.

2. Foleys

Les Foleys (bruissement en anglais) regroupe tous les petits sons diégétiques que font les personnages à l’image : les bruits de pas, les bruits de vêtements ou les bruits de peau et de respiration, mais aussi toutes les manipulations d’objets : couvert de table, clé de maison, brosse à dents, etc.

Prenons un exemple :

Dans cette scène, deux personnages discutent. Ils s’assoient puis l’un deux se lève pour se servir un verre et consomme sa boisson. Il y a donc plusieurs sons d’action à réaliser :

✒︎ (clips en jaune de gauche à droite)

– bruit de corps
– bruit de siège
– bruit de verre
– bruit de liquide
– bruit d’objet
– bruit de déglutition 

Remarque : Ces bruits peuvent être réalisés par un monteur son, mais aussi par des bruiteurs dans des studios spécialisés : voir un studio de bruitage.

Prenons un autre exemple plus complexe :

Dans cette scène, le personnage renverse sa tasse de café, la tasse se brise puis le personnage se cogne la tête et tombe au sol. Il y a donc la tasse à café et la chute du personnage à réaliser :

✒︎ La tasse à café (clips en jaune de haut en bas)

– bruit de vapeur
– bruit de liquide
– bruit d’impact de céramique
– bruit d’impact de verre
– bruit d’impact de mix

Remarque : le montage son donne du poids aux objets et aide la narration. Plusieurs sons ont été nécessaires pour recréer cette action et puisque la tasse se brise hors-champ, une plus grande liberté de construction sonore a été possible.

Pour la chute du personnage, l’action à l’image est rapide alors le montage son doit être dynamique. Il faut donc trouver le bon rythme. L’astuce, c’est d’abord de le chanter, comme une musique, puis de repérer les temps forts.

Quand la structure du mouvement est définie, on peut construire les sons. Ici, 6 sons ont été nécessaires pour créer un rythme musical : impacts de bois, frottement de tissus et divers cliquetis de métal et de plastique.

✒︎ La chute (clips en rose de haut en bas)

– bruit d’impact en bois
– bruit d’impact en bois résonance
– bruit de tissu
– bruit d’impact lourd au sol
– bruit de plastique, basse fréquence
– bruit de plastique, haute fréquence

Remarque : L’enchainement des sons doit « sonner », c’est-à-dire que l’on doit ressentir un rythme, une sensation agréable dans le mouvement sonore. C’est évidement très subjectif, mais rechercher cette sensation rythmique est peut-être la meilleure manière de retranscrire l’aléatoire et donc de sonner naturel.

NOTE : Dans cette scène, la tasse à café de l’actrice était un accessoire en plastique, car briser réellement des tasses en céramique n’est absolument pas agréable sur un tournage, surtout quand la scène doit être réalisée plusieurs fois. Aussi, le preneur de son devait capter la voix de l’actrice pour enregistrer sa réaction, il n’était donc pas possible de faire du bruit pendant la prise.

3. Hard-FX

Les Hard-FX, par opposition aux sons « légers » des Foleys, regroupent tous les sons « lourds » à l’image : les explosions, les mouvements de voiture, les coups de feu, les coups de poings. Ils peuvent être diégétiques ou extra-diégétiques.

Prenons un exemple :

Dans cette scène, deux personnages se battent. Chaque coup donné à l’autre nécessite la superposition de plusieurs sons pour reproduire le mouvement de l’action :

✒︎ Coup de poing (clips en rose et de bas en haut)

– bruit de tissu (frottement de vêtement)
– mouvement (frottement d’air)
– impact de peau (son réaliste, fréquence aigu)
– impact de mix (son percussif, fréquence basse)

Dans cette scène, les personnages se battent dans un entrepôt désaffecté et le sol est recouvert d’eau. Chaque mouvement projette des particules, alors des sons de gouttelette et des mouvements d’eau ont été ajoutés. Cette texture apporte encore plus de détail à notre scène (clips en rouge).

NOTE : Il n’est pas nécessaire d’empiler systématiquement autant de sons pour donner du réalisme à un coup de poing. Dans notre exemple, le thème du film justifie cette précision sonore, car il raconte une histoire autour de combats.

4. Ambiance

Les ambiances (Background), regroupent tous les sons de fond. Ils déterminent l’atmosphère d’un lieu : une rue passante, une forêt effrayante, un stade de foot, un garage automobile, une salle bain, etc.

On peut distinguer deux types de sons d’ambiances, les sons « continues » qui se déroulent tout au long d’une séquence sans variation ni coupure entre les plans d’un même lieu (Clip en bleu) et les sons « dispersé » qui surviennent à des endroits stratégiques pour animer un espace (Clip en vert).

Prenons un exemple :

Dans cette scène, deux personnages discutent devant un garage automobile, il faut jour, et le scénario nous informe que le garage est ouvert. L’ambiance du lieu est entièrement refabriquée :

✒︎ Son continu (clips en bleu)

– bruit de ville
– bruit de trafic
– bruit d’oiseau

✒︎ Son dispersé (clips en vert)

– bruit de moteur
– bruits de matériels mécaniques
– bruit de chien

Les sons « dispersés » ont été judicieusement placés entre les dialogues, car ils ne doivent pas interférer avec les voix. Aussi, ce sont des sons mécaniques donc percussifs, alors une sensation rythmiquement agréable doit se ressentir dans le montage. Il ne sert à rien d’empiler tous les sons en même temps, ils doivent être dispersés de manière harmonieuse et logique.

Remarque : Plusieurs sons « dispersés » ont été empilés au début de la scène, générant ainsi un boucan mécanique. Ce paquet de bruit permet ici de marquer l’entrée dans la scène et aide le spectateur à comprendre brutalement où il se trouve : un lieu bruyant. Cette astuce a pu être réalisé, car aucun dialogue ne se trouvaient là à cet instant.

NOTE : Les sons « dispersé » doivent être répartis logiquement. Ils doivent raconter une histoire de fond que l’on ne voit pas à l’image afin d’ajouter de la vie et de la profondeur à une scène. Dans notre exemple, on raconte l’histoire d’une voiture en réparation.

5. Sound-design

On peut considérer que le Sound-design, par son approche créative, est un métier différent de celui du monteur son. On peut aussi dire que le Sound-design, c’est inventer des sons cinégéniques de choses ou d’objets qui n’existent pas dans la réalité. Mais dans cet article, utilisons plutôt ce terme pour désigner une autre catégorie sonore : le son ampliatif.

Reprenons notre scène de combat :

Pour le coup de poing final, l’impact et la chute du personnage ont été conçus, comme vue précédemment, avec des Hard-FX.

Mais pour accentuer ce dernier coup, un son totalement hors-sujet à la scène a été choisi pour amplifier l’impact et singulariser le coup. (clips en bleu)

Écouter le son seul :

Ce bruit de lourde porte métallique fonctionne bien et le lieu y est pour quelque chose. Dans l’imaginaire collectif, un entrepôt désaffecté fait penser au métal ou à l’acier, une matière industrielle fabriquée dans des hangars de taules. Les gestes musclés des personnages rappellent le fer, la force mécanique. Ce son fonctionne dans ce contexte, et le mixeur l’installera dans l’image comme un son « subliminale ».

Le Sound-design, c’est aussi reproduire un son avec un autre. On ne peut pas toujours capter avec un microphone le vrai son généré par un événement. Le bruit du vent est l’un des sons les plus difficiles à capturer dans la réalité, c’est pourtant ce son qu’il nous faut pour ambiancer une scène, alors une astuce doit être trouvée.

Prenons un exemple :

Dans cette scène, la caméra est embarquée dans la voiture côté passager. L’intention voulue par le réalisateur dans cette séquence est immersive, donc plusieurs sons d’ambiances ont été nécessaires pour recréer l’habitacle.

Pour notre exemple, concentrons-nous uniquement sur le son de la dernière piste d’ambiance (dernier clip en bas).

Ce bruit, à l’origine, est un son de vague artificiellement fabriqué en studio et il s’est avéré très efficace pour générer les mouvements d’air produit par les voitures garées sur les trottoirs.

Remarque : Une automation de volume a été enregistré pour créer les variations d’air et correspondre au passage des voitures à l’image. In fine, c’est un détail sonore qui, une fois intégré dans la spatialisation, ajoutera du volume à la scène et, dans notre cas, beaucoup plus d’immersion.

NOTE : Dans Star Wars, les bruits des sabres laser ont été sculptés par des Sound-designer qui ont inventé un nouveau son d’un objet qui n’existait pas. Avant ce film, personne n’avait jamais entendu le son d’un vrai sabre laser, et aujourd’hui non plus d’ailleurs. Mais est-ce qu’un vrai sabre laser pourrait faire ce bruit ? Personne ne le sait. Pourtant, pour beaucoup d’oreilles, ce son, les yeux fermés, c’est une épée futuriste qui coupe bien.

Pour finir :

On pourrait presque considérer qu’un film possède deux montages : celui de l’image et celui du son. L’un comme l’autre peuvent tout transformer et déterminent l’efficacité des scènes. Au cours de leur création, ils ne doivent pas évoluer séparément, comme deux parallèles, mais bien cohabiter, pour qu’une fois réunis, ils ne fassent plus qu’un.

Valentin LAVOILLOTTE

Fondateur du studio

 Rédigé le 30 octobre 2025

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